Pour un réseau
vraiment public

La fin de 2023, les Québécoises et les Québécois ont vu apparaître Santé Québec, qui pourra faire appel, presque sur un pied d’égalité, tant au réseau public qu’aux entreprises privées.

Le ministre Dubé ne cache pas qu’il s’appuie de plus en plus sur les entreprises privées pour répondre à la demande en leur octroyant des contrats de service ou en lançant des appels d’offres pour la création d’hôpitaux privés.

Votre santé n’a pas de prix et certains entrepreneurs en sont bien conscients. Ainsi, ceux qui ont flairé la bonne affaire n’hésitent pas à facturer leurs services toujours plus chers. Cette facture, le monde ordinaire la paie en double : de sa poche et à travers ses impôts.

Depuis l’adoption du projet de loi 15, en décembre 2023, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) a décidé de hausser d’un cran sa mobilisation contre le recours au privé en santé. Comme le privé est motivé par le profit, il a tendance à mieux desservir les soins rentables et les patients clients payants.

Un patient payant, c’est quoi ? Quelqu’un qui est jeune, en région urbaine, avec peu de risques de complications. Vous ne correspondez pas à cette description ? Les files d’attente du système public, défavorisé et sous-financé, vous attendent.

Argumentaire

31 % vs 21 %

En 30 ans, la quantité de travailleuses du secteur privé a augmenté de 31 %, alors que le réseau public a perdu 21 % de ses travailleuses. Le privé gruge les ressources humaines du secteur public qui est déjà aux prises avec une importante pénurie de main-d’œuvre. Est-ce surprenant d’avoir maintenant de la difficulté à trouver du personnel pour faire fonctionner les salles d’opération ou les urgences ? Le personnel est toujours là, mais pour celles et ceux qui peuvent payer au privé !

2 897 $ 

En 2023, chaque ménage québécois a dépensé en moyenne 2 897 $ pour payer des primes d’assurance ou pour se procurer directement des services de santé privés (ex. : dentiste, psychologue, physiothérapeute). Ce montant risque d’exploser avec la privatisation du réseau. Avons-nous vraiment les moyens de payer en double : le réseau public avec nos impôts et le secteur privé de notre poche ?

250 000 000 $

250 millions de dollars par année.  C’est ce que nous coute collectivement la décision du gouvernement de permettre aux médecins de s’incorporer individuellement, comme s’ils constituaient leur propre compagnie en soi. Sous cette forme, le gouvernement ouvre la porte à toutes sortes de stratégies utilisées par certains médecins qui n’ont qu’un seul objectif : payer toujours moins d’impôt. Cette pratique ne leur était pas permise avant 2007.

20 %

C’est la part du budget de la santé qui va, bon an mal an, à la rémunération des médecins. En 2018-2019, dernière année de référence prépandémique, la rémunération des médecins a atteint environ 20 % du budget total en santé et services sociaux, soit environ 8 milliards de dollars sur un budget de 40 milliards de dollars.  Un médecin spécialiste gagnait en moyenne 432 000 $ par année en 2019, avec des différences marquées, du simple au double, selon les spécialités.  

8 : 1

Huit fois le salaire québécois moyen : c’est ce que gagnent en moyenne les médecins au Québec. Alors qu’au tournant des années 2000, un médecin gagnait en moyenne six fois le salaire québécois moyen (ratio 6 : 1), le ratio est désormais de 8 pour 15. Au sein des pays de l’OCDE (pays aux économies avancées avec lesquels le Québec se compare régulièrement), le ratio est en moyenne de 3 pour 1. 

500 

C’est le nombre de médecins généralistes qui sont passés au privé en date de janvier 2024, renonçant ainsi à prendre des patients du public. Un nombre record, quatre fois plus élevé qu’il y a quinze ans6. Ces médecins œuvrent donc au sein de cliniques privées et drainent les ressources humaines du réseau public, contribuant ainsi à un cercle vicieux qui mine la capacité du réseau public à répondre aux besoins de la population. Le ministre de la Santé et des Services sociaux a pourtant le pouvoir, par simple décret, de mettre fin à cet exode, mais il choisit le laisser-faire. La CAQ est complice de ce démantèlement qui ne profite qu’à celles et ceux qui veulent faire du profit sur la maladie.

Foire aux questions
Des mythes à déconstruire

La crise sanitaire n’a-t-elle pas montré l’échec du système public ?

La COVID a durement frappé tous les systèmes de santé du monde et, bien entendu, celui du Québec aussi. Cela dit, plusieurs des difficultés qui sont rapidement apparues étaient liées à la place grandissante du privé dans notre système, qu’on pense seulement aux CHSLD privés et aux agences de placement de personnel.

Par ailleurs, l’insuffisance de la rémunération et les mauvaises conditions de travail dans de nombreux titres d’emploi du réseau, dont plusieurs se voient forcés de faire des heures supplémentaires obligatoires, ont favorisé l’épuisement du personnel. La centralisation excessive de tous les établissements dans des mégastructures opaques centrées autour des hôpitaux a également fait partie des problèmes en fragilisant notre réseau et en ralentissant ses capacités d’action. Ce sont là des situations pour lesquelles la CSN était à la recherche de solutions bien avant la crise sanitaire.

En fait, la COVID a surtout montré l’urgence de financer adéquatement nos services sociaux et les soins à domicile.

La COVID a durement frappé tous les systèmes de santé du monde et, bien entendu, celui du Québec aussi. Cela dit, plusieurs des difficultés qui sont rapidement apparues étaient liées à la place grandissante du privé dans notre système, qu’on pense seulement aux CHSLD privés et aux agences de placement de personnel.

Par ailleurs, l’insuffisance de la rémunération et les mauvaises conditions de travail dans de nombreux titres d’emploi du réseau, dont plusieurs se voient forcés de faire des heures supplémentaires obligatoires, ont favorisé l’épuisement du personnel. La centralisation excessive de tous les établissements dans des mégastructures opaques centrées autour des hôpitaux a également fait partie des problèmes en fragilisant notre réseau et en ralentissant ses capacités d’action. Ce sont là des situations pour lesquelles la CSN était à la recherche de solutions bien avant la crise sanitaire.

En fait, la COVID a surtout montré l’urgence de financer adéquatement nos services sociaux et les soins à domicile.

Rien n’est plus faux. La CSN est en mode solution. Il est vrai que nous nous sommes opposés aux précédentes réformes qui ont centralisé davantage le réseau et favorisé l’émergence des soins et des services privés. Cependant, la CSN n’a jamais nié les problèmes. Au contraire, elle a saisi chaque occasion pour mettre de l’avant des solutions qui fonctionnent, puisqu’elles émanent des personnes qui travaillent au quotidien dans le réseau. La CSN publiera deux documents importants au cours des prochains mois à cet égard.

Oui, la santé mentale doit être une priorité. C’est aussi une question de gros bon sens économique. Investir dans la santé mentale de la population, c’est prévenir de nombreux problèmes qui pourraient coûter bien plus cher collectivement et affecter directement notre qualité de vie. Nous n’avons qu’à penser aux nombreux arrêts de travail que cela engendre. Une récente étude suggère même qu’une couverture universelle gratuite de la psychothérapie pour l’ensemble des Québécoises et des Québécois coûterait près de quatre fois moins cher que l’inaction du gouvernement en santé mentale. Toute la population devrait avoir accès aux soins et aux services en santé mentale dont elle a besoin, au moment où ils en ont besoin.

Pour nous, c’est l’une des clé importante pour solutionner bien des problèmes dans le réseau. Ces services sont sous-financés au Québec, et ce, depuis très longtemps. Pourtant, les soins à domicile coûtent beaucoup moins cher que l’hébergement en résidence. De plus, la plupart d’entre nous préfèrent pouvoir demeurer le plus longtemps possible à la maison. Notre immense retard dans ce domaine a pour conséquence d’envoyer des personnes qui pourraient habiter encore longtemps chez elles dans des centres d’hébergement déjà surchargés… tellement surchargés, en fait, que certaines doivent occuper un lit en centre hospitalier en attendant d’y avoir une place. C’est l’une des causes principales des débordements qu’on observe actuellement dans les hôpitaux, notamment dans les urgences.

Le secteur privé a toujours été présent dans nos services sociaux et nos services de santé. La place occupée par le secteur privé est d’ailleurs en croissance au Québec et au Canada. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) compare les États selon différents indicateurs. On y apprend que le Canada est l’un des pays riches où le secteur privé joue le plus grand rôle. Pas moins de 30 % des dépenses en santé et en services sociaux sont privées au Canada, une proportion plus élevée que la plupart des pays de l’OCDE.

Ce sont tous les citoyens et toutes les citoyennes qui financent l’assurance maladie, notamment par les taxes et les impôts que nous payons. Or, les services offerts dans le secteur privé coûtent plus cher, notamment parce qu’il faut garantir une marge de profit. Ces sommes supplémentaires devront être déboursées par l’État alors qu’il y a plein d’autres besoins à financer ailleurs en santé et dans les services sociaux ainsi qu’en éducation, pour le logement, dans les services de garde éducatifs, etc. De plus, rien ne garantit que le gouvernement ne choisisse pas plus tard de se retirer du financement de ces services, devant des coûts qui exploseront. Les compagnies d’assurance collective, dont les frais sont assumés par les travailleuses et les travailleurs, prendront alors le relais. Il va sans dire que cela fera augmenter encore plus le coût des primes !

C’est complètement faux. De façon générale, les statistiques de l’OCDE démontrent au contraire que plus la place du privé est grande dans un système de santé, plus les coûts globaux sont élevés. Par exemple, aux États-Unis, où 51 % des dépenses sont privées, la santé accapare 16,8 % du PIB ou 13 590 $ par personne, comparativement à 10,8 % ou 6 666 $ par personne, au Canada.

Cela ne devrait pas nous surprendre, c’est logique. Les entreprises privées doivent réaliser des profits pour survivre. Plus il y a de joueurs sur le marché, plus les mécanismes de contrôle, de reddition de comptes et de coordination sont nombreux. Après tout, la santé n’est pas une marchandise comme les autres… En outre, plus le recours au privé est étendu, moins l’État n’a de leviers pour intervenir afin de limiter les coûts. Enfin, il est très difficile de comparer les coûts au privé par rapport à ceux du public, car le secteur public a pour mission d’assurer à tout le monde des services, parfois extrêmement coûteux et spécialisés, alors que les cliniques privées ne réalisent que des interventions ciblées et moins complexes dans des endroits réservés à cette activité.

Les comparaisons internationales de l’OCDE disent le contraire. Plus le secteur privé joue un grand rôle dans le système, plus le système lui-même coûte cher aux citoyennes et aux citoyens. Plus le secteur privé est présent en santé, plus il faut prendre le temps de mesurer et de comptabiliser ce que l’on fait, ceci pour traiter la facturation ou pour juger de l’admissibilité au traitement privé. En outre, les soins sont donnés par des personnes et nous manquons de ressources ; par conséquent, plus nous privatisons, moins nous offrons de soins.

Un établissement de santé et de services sociaux ne peut être comparé à une usine de boîtes à chaussures. Évaluer la performance du réseau en nombre d’actes comptabilisés serait évidemment une erreur. Ce qui compte, ce sont les résultats en ce qui a trait à la santé publique. Ici encore, les comparaisons internationales donnent l’avantage aux systèmes avec un secteur public robuste.

Naturellement, c’est vrai, mais pour les personnes qui en ont les moyens seulement. Avec le déplacement de personnel vers le privé, le temps d’attente au public en sera pour sa part rallongé. C’est ce qu’on appelle un système à deux vitesses, un pour les plus riches et un pour les autres.

Quand nous réussissons à accéder aux soins et aux services publics en santé, la qualité est au rendez-vous. Sondage après sondage, les Québécoises et les Québécois le confirment : les problèmes du réseau ne concernent pas la qualité, mais bien l’accessibilité. Or, ce qui freine l’accessibilité, c’est la grande place qu’occupe le privé, notamment en première ligne et dans les soins de longue durée.

La perception de la qualité dans le privé provient souvent du fait qu’on nous montre des cliniques neuves, nouvellement aménagées, où seront réalisés des examens ou des opérations simples, en série. Or, on peut très bien, collectivement, faire le choix d’installer des équipes de travail publiques dans ces mêmes milieux, au lieu de soutenir des entreprises commerciales, avec pour résultat des services publics, entièrement au bénéfice du public.

La mise en concurrence du public et du privé en santé et dans les services sociaux est une aberration. On ne peut comparer les coûts d’une procédure faite en milieu hospitalier public, où l’on doit fournir des soins et des services complexes, d’urgence et intensifs, avec les coûts d’une même procédure faite dans une entreprise qui se consacre àcette seule procédure, dans un environnement complètement adapté. Non seulement une telle approche est contreproductive, mais elle demande des énergies rien que pour construire des indicateurs de coûts et des mesures qui, finalement, ne servent à rien d’utile. Dans des conditions équivalentes, le public fera aussi bien, sinon mieux, et à moindres coûts.

Pour que toutes et tous aient un réel libre choix, il faut impérativement que les soins et les services requis par la population soient accessibles gratuitement et offerts dans le réseau public . Développer le choix d’obtenir un service dans le privé, c’est développer un service au détriment du public, ce qui en limite l’accès pour la population. Ce n’est pas une solution. Le meilleur choix, pour chacune et pour chacun, c’est le public.

Pas du tout. Les soins de santé et les services sociaux, ce sont d’abord et avant tout des travailleuses et des travailleurs qui donnent des services. Actuellement, il y a des pénuries dans toutes les catégories de personnel du réseau de la santé, des secrétaires médicales aux professionnel-les en soins. Les personnes qui travailleraient dans de nouveaux établissements privés proviendraient pour la plupart du réseau public, ce qui aggraverait la situation concernant la pénurie de personnel.

Au contraire, force est de constater que l’augmentation de la proportion du nombre de psychologues n’exerçant que dans le secteur privé a un impact catastrophique sur les listes d’attente du secteur public. De même, si des CLSC publics ouverts la semaine comme la fin de semaine jouaient pleinement leur rôle de porte d’entrée partout sur le territoire, avec des équipes multidisciplinaires incluant des médecins, les urgences des hôpitaux seraient moins surchargées, en particulier les soirs et les fins de semaine, lorsque les urgences privées sont pour la plupart fermées.

Pour un réseau vraiment public, nous avons besoin de la force du nombre. Partagez cette campagne à vos amis, à votre famille et à vos collègues.

Facebook
X
LinkedIn
Reddit
Threads